par Nema Ange
Guillaume Rutembesa est porté disparu depuis vendredi 6 novembre 2020 en fin de journée. L’alerte a été donnée par ses amis à partir du dimanche car ils n’arrivaient pas à le joindre. Le téléphone de Rutembesa n’était pas joignable, celui qui arrivait à le joindre était immédiatement bloqué comme l’a raconté un de ses amis. Guillaume Rutembesa est un bloggeur et un influenceur rwandais qui s’est démarqué en disant à haute voix ce qui ne va pas au Rwanda, il était très actif sur Twitter et depuis vendredi il n’y a plus donné un signe vie.
Guillaume Rutembesa en quelques mots
Rutembesa est connu chez les Rwandais car il est très actif sur le réseau social Twitter. A 31 ans c’est l’un des rares jeunes qui ose critiquer ce qui ne va pas au Rwanda. Une de ses dernières actions retentissantes est d’avoir lancé un mouvement social sur Twitter qui s’insurgeait contre une énième hausse des prix du transport en commun au Rwanda. L’hashtag #RURA4TransportFairness a été un succès au point où les autorités rwandaises ont décidé d’annuler la hausse des prix de transport en commun le 21 octobre 2020, une première dans la dictature de Kagame et de son FPR.
Il est père d’une petite fille et refugié rwandais au Kenya. Rutembesa a axé son activisme en dénonçant l’injustice sociale qui règne au Rwanda, en particulier il milite pour que les donneurs d’ordres dans un pays où seuls les exécutants sont poursuivis soient eux-aussi traduits en justice. C’est une des voix qui a encouragé la jeunesse rwandaise à mettre autant d’énergie à dénoncer l’injustice sociale que celle qu’elle met à dénoncer les violences faites aux femmes.
Pour Rutembesa la priorité aujourd’hui est de dénoncer l’injustice sociale au Rwanda pour sauver les plus démunis qui succombent jour après jour. Il disait par exemple qu’ : « Ils peuvent piller le Congo, ils peuvent détourner tous les fonds provenant de l’aide et de la dette, ils peuvent tuer Kayumba car ce sont des anciens amis devenus ennemis, mais qu’ils laissent tranquille un habitant de Bannyahe (faisant référence aux maisons des pauvres qui ont été détruites brutalement par les autorités rwandaises) qui a construit sa maison à la suer de son front, qu’ils arrêtent d’exécuter les citoyens (faisant référence à la violence policière qui règne au Rwanda) car c’est nous (les citoyens) qui votent pour eux à 100%».
Il a osé parler de la vie de luxe que mène les enfants de Kagame
Depuis quelques mois circulent les photos des enfants de Kagame sur lesquelles on peut voir la vie de luxe qu’ils mènent. L’exemple est une vidéo d’Ivan Cyomoro Kagame, aujourd’hui membre du conseil d’administration du puisant Rwanda Development Board[1] après avoir été nommé par son père. Sa nomination a fait l’objet d’une polémique car son CV est très léger pour le poste et qu’il est plutôt connu pour mener une vie de jet-setteur. Au moment où le Rwanda fait face aux difficultés économiques suite au covid-19, Cyomoro Kagame a été égal à lui-même en apparaissant dans une vidéo le montrant en train de faire la fête dans un état alcoolisé en compagnie des bimbos aux Etats-unis…Des images banales mais surprenantes pour le poste qu’il est supposé occuper et surtout pour une société rwandaise très conservatrice sur les mœurs.
Guillaume Rutembesa fait partie des personnes qui ont relayé ces images. Il les a les enrichi avec les photos d’Ange Kagame avec des sacs à mains de luxe, ou des voitures de luxe…. On dit d’elle qu’elle coordonne la cellule au sein de la présidence rwandaise qui attaque tous ceux qui ont un discours discordant avec la pensée unique de la dictature de son père à l’aide des faux comptes Twitter et Facebook. La vie de luxe affichée par ceux qui se considèrent comme des héritiers du pouvoir de leur père a choqué beaucoup de Rwandais qui se serrent la ceinture pour payer d’innombrables taxes et impôts.
Le 18 juillet 2020, Ange Kagame a manifesté sa colère par un tweet dans lequel elle disait « bon dimanche à tous, SAUF à ceux qui passent leur temps à surveiller le bonheur des autres ». En plus de ce tweet Ange Kagame likait (aimait) tous les tweets qui insultaient Guillaume Rutembesa, signe qu’elle n’était pas contente. Le 21 juillet 2020, un ex militaire au sein de l’armée rwandaise a menacé M Rutembesa en lui disant qu’il ne pourrait pas se cacher car même Sendashonga n’y était pas arrivé.
Guillaume Rutembesa, habitué aux attaques de ceux qui soutiennent le régime ne s’est pas laissé intimider et a confirmé sa détermination : « Il fut un temps où j’ai été injustement emprisonné. Ils pouvaient me tuer à chaque seconde ou m’enfermer pour plusieurs mois…Je n’étais pas triste pour cela, j’étais attristé par le fait que ma voix allait être éteinte pour toujours sans que je n’aie pu dénoncer l’injustice. Aujourd’hui je suis satisfait car j’ai pu le faire. Même si je mourrais je serai content ».
Soupçons de kidnapping par les autorités rwandaises
Ce lundi, une personne a créé un compte anonyme et l’a immédiatement supprimé en postant ceci : « Je viens vous annoncer une mauvaise nouvelle concernant Rutembesa. Ils essayent de le conduire au Rwanda. Il a été kidnappé vendredi en fin de journée, il allait rejoindre un ami qui l’avait appelé. Pour ma sécurité je ne vais pas divulguer beaucoup de détail sur moi mais ce message est à prendre au sérieux et dans les plus brefs délais. Lancez les appels à l’aide pour un Rwandais qui est en train de subir la violence, je vous demande de l’aider …. Le deuxième secrétaire général de l’ambassade du Rwanda au Kenya est beaucoup impliqué». Rien ne permet d’infirmer ou des confirmer les dires de cette personne. La certitude est que Guillame Rutembesa ne donne pas de signe de vie depuis vendredi.
Depuis lundi, les faux comptes qui opèrent depuis la présidence du Rwanda dont un qui appartiendrait à Ange Kagame, ont tenté de détourner l’attention en calomniant Guillaume Rutembesa, selon eux il aurait été victime d’une overdose ou est occupé à consommer de la drogue. La calomnie des victimes est l’une des modus operandi du FPR.
Au 6eme jour de la disparition de Guillaume Rutembesa l’inquiétude grandit. Les amis de Guillaume demandent de l’aide à chaque personne qui en a la possibilité. Le Haut-Commissariat pour les Réfugies au Kenya a été contacté par un de nos contacts et leur réponse a été « Nous avons reçu la demande, les coups de fils depuis notre bureau à sa famille n’ont pas été pris ».
Article original en Kinyarwanda
Traduit et adapté par la Rédaction.