Le 23 juillet 2020 dernier reprenait le procès de Phocas Ndayizera et ses 12 co-accusés, tous membres du RANP ABARYANKUNA. Bien que les accusés aient demandé au tribunal de visionner les vidéos et images les incriminant et que le parquet avait souhaité montrer les preuves lors d’une audience en présentielle, la Cours n’a respecté aucune de ces demandes comme elle avait promis. La Chambre spéciale de la Haute Cour de Nyanza pour les crimes pénaux internationaux et transfrontaliers a rouvert l’audience en ligne à l’aide de la vidéo-conférence. Le résume de deux journées comme les a reportées le journal Igihe.com.
Les accusés sont poursuivis pour les crimes de « comploter contre l’Etat rwandais dans l’intention de le renverser au moyen de la guerre ou d’une autre force ; complot et incitation à commettre un crime de terrorisme ; l’utilisation illégale d’explosifs dans les lieux publics et de se livrer à des activités criminelles ». Selon le parquet rwandais Cassien Ntamuhanga serait le cerveau de l’opération. Il est jugé in absentia.
Les Preuves présentées par le parquet
Lors de cette audience du 23 juillet 2020, le parquet a apporté quatre audios comme nouvelles preuves dans l’affaire. Dans les voix entendues, une appartiendrait à Ntamuhanga Cassien et les audios auraient été enregistrés lors d’un entretien avec Nsengimana Jean Claude alias Tembo. Les deux auraient comploté pour commettre des crimes, y compris celui de faire des attentats à la bombe.
Dans un entretien la voix attribuée à Ntamuhanga a demandé à celle attribuée à Nsengimana d’acheter des explosifs en République Démocratique du Congo et de les livrer au Rwanda. L’audience a entendu que Ntamuhanga disait à Nsengimana qu’il allait changer de numéro de téléphone.
Sur un autre audio Ntamuhanga a dit à Nsengimana qu’une partie de leur groupe avait été arrêtée et qu’il le soupçonnait de les avoir dénoncés. Paradoxalement il restait en bon terme avec ce dernier en l’exhortant à “faire attention dans leurs activités et de tenir bon“. Le parquet a également déclaré que les deux avaient discuté d’un dénommé “Kazire” qui avait déjà été arrêté, dans une autre conversation ils disaient que c’était un journaliste de la BBC et c’est cet élément qui incrimine Phocas Ndayizera.
Lorsqu’on lui a demandé “qu’est-ce qui prouvait que la voix en question était celle de Ntamuhanga et ce qui prouvait qu’il s’agissait d’un complot en vue de commettre un crime” ? Le parquet a répondu que les preuves avaient été identifiées par les experts du tribunal.
Le parquet a poursuivi en disant que le langage utilisé par les deux hommes était codé mais que l’on pouvait en déduire que les explosifs (imizigo) auraient finalement été achetés au Burundi et non au Congo.
Le parquet a également expliqué au tribunal que les voix avaient été obtenues légalement mais n’a pas expliqué comment les voix avaient pu être attribuées à Cassien Ntamuhanga ou à Jean Claude Nsengimana. Ce dernier se trouverait en RCD !
Les autres éléments de preuve présentés par l’accusation sont ” des séquences vidéo prises par l’armée rwandaise dans lesquelles un expert militaire expliquait comment les explosifs présumés saisis sur les accusés pouvaient endommager les sites visés. Le rapport d’enquête a quant à lui indiquer que ce genre d’explosifs sont généralement utilisés dans l’industrie minière”.
La défense des accusés : « On dirait que les audios ont été enregistrés en studio! »
Etant donné que les accusés n’avaient pas vu les preuves d’accusations avant l’audience, l’avocat de Monsieur Phocas Ndayizera a demandé que ce dernier y accéder avant de pouvoir les commenter. Après avoir eu 30 minutes pour regarder les audios et la vidéo, le journaliste Phocas Ndayizera a déclaré qu’il n’avait pas compris sa participation exactement et qu’il n’avait jamais été appelé “Kazire” et que ce qui a été dit comme quoi c’était un voleur n’était pas correct parce qu’il n’a jamais volé.
Ndayizera a rappelé au tribunal que son dossier d’accusation indiquait qu’il avait reçu 40 000 Rwf, un chiffre qui n’a rien à voir avec le montant mentionné dans l’audio. Il a ajouté qu’ “aucune somme d’argent ne lui a jamais été envoyée“.
Il est revenu sur la conversation entre Ntamuhanga et Nsengimana et a dit être « sceptique parce que les voix lui donnaient l’impression d’avoir été enregistrées dans un studio, plutôt qu’au téléphone ». quant aux explosifs supposés avoir été donnés à “Kazire” il a déclaré qu’il n’en savait rien dans la mesure où lorsqu’il a été arrêtés il n’avait pas d’explosifs sur lui. Démontrant les incohérences des accusations portées contre lui, il a demandé comment il “aurait pu avoir une bonne relation avec Ntamuhanga et que ce dernier l’aurait traité de” voleur “ou de” cow-boy “comme on l’entendait dans l’audio”.
Sur les images du militaire rwandais expert dans les explosifs, Monsieur Phocas Ndayizera a répété ce qu’il avait déjà dit à la Cour [dans une autre audience]: “Le raccordement des fils sur une longue distance requiert une autorisation” et ils n’ont donc jamais introduit une demande d’autorisation ou de permis pour connecter ces fils “. Il a mis en doute le niveau de l’expert ” car certains des matériaux sur les schémas prêtaient à confusion, dans la mesure où l’expert avait confondu une ” diode ” et un transitor“.
Son avocat a déclaré que “les informations contenues dans la vidéo présentées par le parquet étaient contradictoires et n’apportaient pas de valeur ajoutée à l’affaire proprement dite, Concernant les audios, il a mis en doute l’authenticité des voix.
Les incohérences des preuves »
- Voix : « L’avocat a déclaré que le parquet n’avait pas montré comment il avait obtenu les audios, n’avait pas dit le numéro de téléphone utilisé ou comment une compagnie de téléphonie lui avait donné les audios. ». Pour lui : « Le fait que l’accusation ne l’ait pas été en mesure de le démontrer est révélateur et ils ne devraient pas être pris en compte dans cette affaire. ».
- Ntamuhanga et Nsengimana ont la même voix : « L’avocat de Ndayizera a montré son étonnement car sur les audios une voix attribuée à Ntamuhanga Cassien était aussi attribuée à Nsengimana Jean Claude alias Tembo sur un autre audio. Du coup, ces preuves ne devraient pas avoir de la valeur auprès du tribunal “.
- Les contradictions du parquet : « Il a déclaré lors de l’audience préliminaire que le parquet avait dit qu’aucun Rwandais n’avait la capacité d’examiner les explosifs saisis avec les accusés, mais a été surpris de constater que les experts dans la vidéo étaient des Rwandais. Cela montre les contradictions du parquet ».
L’avocat de Phocas Ndayizera, a demandé que toutes ces preuves soient rejetées par le tribunal.
Après cela a été autour de M Karangwa Eliaquim, électricien de métier, il a déclaré qu’il ne croyait pas non plus la version des audios et les faits montrés dans la vidéo parce que « les fils montrés comme des pièces à conviction ne sont pas de bons conducteurs et que l’équipement montré ne pouvait pas fonctionnait sans fils. ». Il a également mis des réserves concernant l’expertise du militaire rwandais, en déclarant : « qu’il avait des doutes sur la façon dont l’expert a décrit les explosifs ».
La journée du 24 juillet 2020
D’autres membres de RANP ABARYANKUNA : Niyonkuru Emmanuel, Niyihoza Patrick, Byiringiro Garnon, Bikorimana Bonheur, Bizimana Terence, Munyensanga Martin, Nshimiyimana Yves, Nshimyumurenye Jean Claude, Rutaganda Bosco, Nshiragahinda Erneste, Ukurikiyimfura Théoneste, se sont suivis sur la barre pour se défendre. Ils ont déclaré que le parquet n’avait rien à leur reprocher, que ça soit dans les images ou dans les audios leurs noms n’avaient pas été mentionnés. Ils ont rappelé qu’ils ont plaidé non-coupable dans l’audience précédente et qu’ils avaient déclaré que les allégations étaient « sans fondement » et juste des mensonges fabriqués pour les nuire.
Le parquet a de nouveau pris la parole, il a demandé à la Cours de ne pas considérer la défense des accusés mais les allégations du parquet. Si ces derniers ont dit avoir été torturés pour leur soutirer les aveux, les accusés devaient montrer les preuves! Le parquet a déclaré que les accusés se défendaient de la même façon et que donc ils étaient liés.
Du fait que ces jeunes hommes ne connaissaient pas Monsieur Ntamuhanga Cassien, le parquet a déclaré que : « Le complot en vue de commettre un crime est le consensus de deux ou plusieurs personnes, même si le crime est commis par l’une d’entre elles ». Pour cette raison le fait ne de pas le connaitre n’était pas déterminant. Pour le parquet si la Cours jugeait que Ntamuhanga et Ndayizera avaient comploté, elle devait condamner tous les autres.
Concernant l’accusation que ces jeunes étaient impliqués dans un complot terroriste, le parquet a demandé à la Cours de ne considérer que les aveux que les jeunes ont faits lors de l’investigation même si ces derniers disent avoir été forcés à les faire. Pour la vidéo le parquet a dit qu’elle ne pouvait pas être mise en cause car elle avait été faite par l’armée rwandaise.
Sur le fait que les audios auraient été enregistrés dans un studio, le parquet a dit que Monsieur Ntamuhanga vivait à l’étranger et avait donc la liberté de parler où il voulait et quand il voulait alors que Nsengimana, qui était au Rwanda se cachait pour pouvoir parler.
Le procès devrait reprendra les 7 et 8 septembre 2020.
Il ne fait aucun doute que ces jeunes hommes soient liés par l’idéologie Kiryankuna, à savoir résisté à la dictature du FPR pour éradiquer la rancœur ethnique entre les Rwandais et mettre fin aux guerres éternelles qui opposent les Rwandais!
Ijisho ry’Abaryankuna
Traduit en Français par Karemera Honoré
Pour en savoir plus :
PROCÈS DU JOURNALISTE PHOCAS NDAYIZERA, LA JOURNÉE DU 09 JUILLET 2020