RWANDA : KIGALI VERS UNE VILLE VERTE SANS PAUVRES, UN NOUVEAU PROJET

par Kalisa Christopher

Le 05 juin est la journée mondiale de l’environnement, cette année l’État rwandais a utilisé le climat pour annoncer un projet dont la finalité sera de chasser les pauvres de Kigali et de réserver un nouveau marché aux sociétés qui travaillent de concert avec le FPR. La ministre rwandaise chargée  de l’environnement, Dr Jeanne d’Arc Mujawamariya, a annoncé que bientôt le charbon à usage domestique sera interdit dans la ville de Kigali et que l’on demandera aux pauvres de s’endetter pour acheter des bouteilles de gaz.

L’annonce a été faite le 28 mai 2020 à l’occasion du lancement de la semaine de l’environnement.  La ministre n’a pas explicitement annoncé à partir de quelle date l’interdiction entrera en vigueur, mais l’on est habitué à ce que le FPR de Paul Kagame agisse dans la précipitation lorsque ses intérêts sont en jeu ou pour accroitre les inégalités sociales.

En temps normal pour 200 Frw (moins de 20 centimes d’euros) un Rwandais peut se procurer du charbon à utiliser pour une journée. Pour pouvoir remplacer ce charbon il devra débourser la maudite somme de 30 000 Frw (moins de 3€) pour acheter une bouteille de gaz. Un Enseignant gagnant  44 000 Frw par mois on peut se poser la question où est-ce que les pauvres trouveront cet argent ? Pour la ministre « le gouvernement va travailler avec les institutions financières pour pouvoir faciliter l’accès au crédit pour les pauvres afin qu’ils puissent  se procurer la bouteille de gaz à crédit et  rembourseront petit à petit » a-t-elle déclaré.  Comment les pauvres rembourseront- ils cette dette, c’est une question qu’elle n’a pas évoquée.

A qui profitera cette mesure ?  On peut présager que ce seront les sociétés autorisés par le FPR, qui vendent les bouteilles de gaz. Comme il est de coutume au Rwanda  lorsque les entreprises du système ont un marché les autorités régissent pour créer le besoin.

Selon la ministre dans les tiroirs du gouvernement il y a un autre projet intitulé  « payer en cuisinant » dont les acteurs sont la compagnie électrique du Rwanda et l’organisme chargé de l’environnement.  Ce projet consistera à donner l’accès au gaz à la carte (charger les unités de gaz comme pour une carte téléphonique), ainsi la population pourra cuisiner tant qu’elle aura des unités dans la carte et à la fin des celles-ci,  le gaz se coupera automatiquement peu importe les conséquences.

Ijisho ry’Avaryankuna a pu discuter avec les habitants de Kigali qui cuisinent à l’aide du charbon dont l’identité est gardé anonyme pour leur sécurité. Selon eux ce projet vise à chasser les pauvres de Kigali. Au lieu de les aider suite aux conséquences du Covid-19, l’Etat rwandais a trouvé un nouveau moyen de faire du business et de chasser les pauvres grâce à la mise en place de l’utilisation forcée du gaz.

Les journaux Umuseke et Ibisigo ont aussi consulté les habitants de Kigali qui souhaitent que le FPR ne se précipite pas dans ce projet : « ne pas utiliser le charbon sera un grand problème, actuellement le charbon est-il un problème pour nous ? A commencer par moi et les femmes dont je représente, s’ils interdisent l’utilisation du Charbon comment allons-nous vivre ? Soyez nos voix, en tant que journalistes vos voix  portent loin » a déclaré une femme à la tête d’un groupe de femmes en montrant l’inquiétude que ce projet a suscité au sein de la population.

Pour un autre homme, dont le petit boulot consiste à réparer les outils technologiques : « J’ai appris dans les journaux la nouvelle du projet d’interdire l’utilisation du charbon dans la ville de Kigali. Cette mesure ne nous impactera pas tous de la même façon, le charbon était accessible à presque tous les résidents de la ville de Kigali. Il suffisait d’avoir des petites pièces, 200, 250 ou 500 Frw selon sa bourse  et l’on avait la possibilité de se procurer le charbon pour pouvoir se nourrir jour et nuit. Mais la bouteille de gaz coute l’argent que nous mettons un mois à gagner ».

C’est qui est prévisible est que celui qui ne pourra pas suivre le rythme du gaz, sera obligé de quitter la ville de Kigali. Ce projet suit les autres projets qui avaient le même objectif. Celui qui a marqué les esprits cette année est la démolition des habitations de pauvres et classes moyennes de Kigali, sans aucune indemnité ni proposition de solution de relogement.

Bientôt le monde entier clamera que le FPR aura accompli des miracles en rendant Kigali une ville propre et verte, mais les Rwandais sauront le prix qu’ils auront payé pour que la dictature de Kagame puisse vendre une « bonne image » aux yeux des occidents.

Le Rwanda a annoncé vouloir réduire ses émissions de CO2 de 38% dans 10 ans, à ce titre et en plus de la « bonne image » les autorités rwandaises pourront bénéficier des aides financiers ou s’endetter pour mieux enrichir le petit groupe qui profite du système.

Rien ne permet de prédire que dans 10 ans, en 2030, Paul Kagame sera toujours au pouvoir, une révolte populaire ou une insurrection du peuple peut survenir à tout moment comme dans toute dictature qui s’éternise.  Les jeunes du mouvement Abaryankuna, en grande majorité à l’intérieur du pays, sont déterminés  à faire cesser toutes ces injustices sociales dont ils subissent les conséquences dans l’indifférence générale de la communauté internationale. Pour eux ils attendaient des autorités rwandaises qu’elles aident la population à faire face aux conséquences socio-économiques du Covid-19  à la place d’accroître les inégalités sociales.

Kalisa Christopher

Kigali

Traduit par MUKUNDWA Anne Marie.

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